L’article suivant va vous plonger dans la “langue d’Audiard”, langue parlée par ce grand homme et qui manque au cinéma français.
Né le 15 Mai 1920, décédé le 28 Juillet 1985, cet homme est à mon avis le plus grand dialoguiste que le cinéma français a connu. Il était anarchiste, mais il ne le niait pas, il en profitait même dans ses dialogues.
Vous pouvez pour demander pourquoi une personne de 20 ans, se met à écrire un petit article sur Michel Audiard dans son blog. C’est simplement car ses dialogues sont de toute beauté, quand il fait parler un ouvrier comme un ouvrier devrait parler, et non comme un aristo ou un noble parlerait. De plus, le fait de vraiment différencier chaque personage, juste avec le champ lexical qu’il utilise, cela montre comment Audiard savait manipuler cette belle langue qu’est la notre.
Il a souvent travaillé avec des acteurs tels que Jean Gabin, Lino Ventura, Belmondo, Bernard Blier, Francis Blanche, Jean Lefebvre. Et des réalisateurs tels que Georges Lautner, Gilles Grangier, Henri Verneuil. Avec ces 3 réalisateurs, il a fait des films qui resteront dans la mémoire du cinéma français, comme Les Barbouzes (1964), Le Cave se Rebiffe (1961), Un singe en hiver (1962), Les Tontons Flingueurs (1963), Le Pacha (1967), et encore plein d’autres.
Michel Audiard a réalisé, en 1968 son premier film, intitule “Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages”. Ce film fit un tel succès, que le président de la république de l’époque (Le Général de Gaulle), utilisa le titre du film lors de l’un de ses discours. Contrairement a ce que tout le monde pouvait s’imaginer, cela gèna grandement Audiard, qui basait en partie sa réputation et ses films (dont les dialogues) sur sa farouche haine de la politique, et de plus, de la droite française.
En 1995, un livre retraçant sa carrière fut publié aux éditions Réné Chateau Editions. Ce livre a été publié pour commémorer les 10 ans de sa disparition. Ce livre se divise en plusieurs parties, une qui contient les meilleurs extraits de dialogues qu’il a fait, et classés par genre, une autre qui contient des extraits de presse qui font son éloge, une autre qui contient des extraits de presse qui le critiquent, une autre partie ou Audiard parle des gens avec lesquels il a travaillé, ou on apprend beaucoup de choses (notament pour Gabin, qui utilisait de belles expressions pour dire s’il aimait ou pas une chose), et enfin, une dernière partie, ou ce sont les acteurs qui parlent de lui.
Voila, cet article est peut-être un peu court, mais bon, si je voudrais parler complètement de la carrière de cet homme, il faudrait faire un article très long.
En tout cas, à ma vue, depuis qu’il a disparu, c’est tout un style, toute une génération du cinéma français qui a disparue avec lui. A l’heure actuelle, selon moi, il manque grandement au cinéma français. Et de temps en temps, regarder un de ses nombreux chefs d’oeuvre me fait un plaisir immense. Car son style syntaxique et idiomatique est unique, on peut dire que “c’est du Audiard”, il est reconnaissable parmi des milliers de gens. Parfois, ça m’arrive de “faire comme Audiard”, en répondant durement et froidement aux gens de mon entourage, mais je sais pertinement que j’arrive à peine à la cheville.
Pour finir en beauté, on va se faire plaisir, avec quelques répliques :
Un singe en hiver :
-Ah! Nous y voilà. Ma bonne Suzanne tu viens de commettre ton premier faux pas. Y’a des femmes qui révèlent à leur mari toute une vie d’infidélité, mais toi, tu viens de m’avouer quinze années de soupçon. C’est pire. Note bien qu’t’as p’t-être raison. Qui a bu boira. Ça faut reconnaître qu’on a le proverbe contre nous.
-Pourquoi buvez-vous?
-La question m’a déjà été posé monsieur le proviseur.
-Probablement par des gens qui vous aiment bien.
-Probablement. Claire me la posait trois fois par semaine: devait m’adorer
-Ah parce que tu mélanges tout ça, toi ! Mon espagnol, comme tu dis, et le père Bardasse. Les Grands Ducs et les boit-sans-soif.
-Les grands ducs…
-Oui monsieur, les princes de la cuite, les seigneurs, ceux avec qui tu buvais le coup dans le temps et qu’on toujours fait verre à part. Dis-toi bien que tes clients et toi, ils vous laissent à vos putasseries, les seigneurs. Ils sont à cent mille verres de vous. Eux, ils tutoient les anges !
-Excuse-moi mais nous autres, on est encore capable de tenir le litre sans se prendre pour Dieu le Père.
-Mais c’est bien ce que je vous reproche. Vous avez le vin petit et la cuite mesquine. Dans le fond vous méritez pas de boire. Tu t’demandes pourquoi y picole l’espagnol ? C’est pour essayer d’oublier des pignoufs comme vous.
Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages :
Le Pacha :
Le cave se rebiffe :
Mélodie en sous-sol :
J’ai volontairement fait l’impasse sur les Tontons flingueurs, ou les Barbouzes, car il faudrait y mettre tout le film, tellement les dialogues sont sublimes.
Voila, @+